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MOBBING : Le harcèlement en entreprise



Dans nos interventions, nous constatons de nombreux cas de mobbing, il nous paraît essentiel de mentionner ce qui, concrètement, se cache derrière ce terme pouvant se traduire en Français par « harcèlement » ou « terreur »… Nous reprenons, de fait, pour éclairage, la définition d’Heinz Lehmann, sociologue et psychosociologue, qui a défini en 1993 les 45 critères permettant de déterminer le mobbing.

En préambule, il est à préciser qu’il constate l’enchaînement, sur une période dépassant 6 mois, de propos et/ou d’agissements hostiles, exprimés ou manifestés en général plusieurs fois par semaine, par un ou plusieurs protagonistes envers une tierce personne.

H. Lehmann distingue 5 grandes catégories de comportements répétitifs à l’égard d’une personne:

I. Empêcher la victime de s’exprimer,

II. Isoler la victime,

III. Déconsidérer la victime,

IV. Discréditer le travail de la victime

V. Compromettre la santé physique de la victime.


Plusieurs facteurs de risques semblent ainsi être constitutifs et accélérateurs des cas de mobbing:

- Le sentiment de la victime de ne pas avoir d’alternative à son poste et la crainte de le perdre.

- Un mauvais climat social dans l’entreprise une communication déficiente et un manque de soutien social et de solidarité.

- Une équipe dans laquelle règnent la frustration, la jalousie et la volonté de trouver un bouc émissaire

- Un travail stressant, comportant des rythmes soutenus et une organisation du travail floue, dont les rôles et les tâches ne sont pas bien définis (dans ces conditions, il est difficile de trouver du temps pour communiquer et pour essayer de résoudre les conflits)

- Une équipe constamment sous pression (surcharge de travail/pression liée à l’activité ou au secteur d’activité) ou placée en situation de concurrence ou au contraire un manque de travail.


Les conséquences pour la victime de « mobbing” :


La personne risque, à terme, de souffrir d’hypertension et peut tomber dans des comportements addictifs (alcool, tabac, prise de médicaments…). Sur le plan psychique, nous remarquons des états anxieux et des insomnies. L’individu ressasse et n’arrive plus à se concentrer : Ce cercle vicieux va impacter sur l’état moral et physique de façon de plus en plus marquée au fil du temps et va, bien sûr, amoindrir les performances du salarié, ce qui alimentera encore la dévalorisation de sa hiérarchie ou de ses collègues. En effet, la perte de confiance en soi, la dévalorisation de l’estime de soi, les tensions accumulées, le manque de sommeil consécutif aux insomnies, la perte de sens allant parfois jusqu’au morcellement psychique, et bien d’autres « réjouissances » sont au programme des conséquences potentielles ce ces comportements. Il est important de préciser que ces agissements semblent presque anodins au départ tellement ils sont indicibles pour devenir de plus en plus violents si le salarié « mobbé » ne réagit pas ou s’il réagit de façon virulente. Dans les deux cas, cela lui sera reproché, d’une manière ou d’une autre : soit il n’a pas de caractère soit il en a trop, de fait, il faudra « corriger » cet état de fait promptement. Cet enchaînement de conséquences relève du cercle vicieux vers la dépression pouvant mener parfois jusqu’au suicide.



Ci-dessous la liste de 45 critères afin de pouvoir agir pour soi et pour les autres :


I- Empêcher la victime de s’exprimer

1. Le supérieur hiérarchique refuse à la victime la possibilité de d’exprimer. 2. La victime est constamment interrompue. 3. Ses collègues l’empêchent de s’exprimer. 4. Ses collègues hurlent, l’invectivent. 5. Critiquer le travail de la victime. 6. Critiquer sa vie privée. 7. Terroriser la victime par des appels téléphoniques. 8. La menacer verbalement. 9. La menacer par écrit. 10. Refuser le contact (éviter le contact visuel, manifester des gestes de rejet…). 11. Ignorer sa présence par exemple en s’adressant exclusivement à des tiers.


II. Isoler la victime 12. Ne plus lui parler. 13. Ne plus se laisser adresser la parole par elle. 14. Lui attribuer un poste de travail qui l’éloigne et l’isole de ses collègues. 15. Interdire à ses collègues de lui adresser la parole. 16. Nier la présence physique de la victime.


III. Déconsidérer la victime auprès de ses collègues 17. Médire d’elle ou la calomnier. 18. Lancer des rumeurs à son sujet. 19. Se gausser d’elle, la ridiculiser. 20. Prétendre qu’elle est atteinte d’une maladie mentale. 21. Tenter de la contraindre à un examen psychiatrique. 22. Railler une infirmité. 23. Imiter la démarche, la voix, les gestes de la victime pour mieux la ridiculiser. 24. Attaquer ses convictions politiques ou ses croyances religieuses. 25. Se gausser de sa vie privée. 26. Se moquer de ses origines. 27. La contraindre à un travail humiliant. 28. Noter le travail de la victime de façon inéquitable et dans des termes malveillants. 29. Mettre en question, contester les décisions de la victime. 30. L’injurier dans les termes obscènes et dégradants. 31. Harceler sexuellement la victime par des gestes et des propos.


IV. Discréditer la victime dans son travail 32. Ne plus lui confier aucune tâche. 33. La priver de toute occupation et veiller à ce qu’elle ne puisse en trouver aucune par elle-même. 34. La contraindre à des tâches totalement inutiles et/ou absurdes. 35. Lui donner sans cesse des tâches nouvelles. 36. La charger de tâches très inférieures à ses compétences. 37. Lui faire exécuter des travaux humiliants. 38. Confier à la victime des tâches exigeant des qualifications très supérieures à ses compétences, de manière à la discréditer.


V. Compromettre la santé de la victime 39. Contraindre la victime à des travaux dangereux ou nuisibles à sa santé. 40. La menacer de violences physiques. 41. L’agresser physiquement, mais sans gravité, « à titre d’avertissement ». 42. L’agresser physiquement, sans retenue. 43. Occasionner volontairement des frais à la victime dans l’intention de lui nuire. 44. Occasionner des dégâts au domicile de la victime ou à son poste de travail. 45. Agresser sexuellement la victime.




De notre expérience, donner du sens à un comportement reste la première étape à effectuer, ce qui nous ramène à la nécessité de connaître ces critères. En effet, la mise en lumière a plusieurs bénéfices : commencer à se distancier de la situation intellectuellement d’abord et émotionnellement ensuite. Cette mise en sens permet également de prendre conscience qu’il ne s’agit pas d’un scénario créé par le cerveau (ce que certains collègues ou managers appellent » se faire un film ») ou encore que nous ne sommes pas de doux dingues, tellement ces situations provoquent des doutes intérieurs sur sa propre santé mentale.


La deuxième étape consiste à entreprendre un travail d’acceptation de la réalité de la situation-et non l’acceptation de la situation. Pour ce faire, il vaut mieux se faire aider par un professionnel qui permettra l’écoute, l’empathie, la prise de recul et les effet-miroir, ceci dans un objectif de reconstruction à venir.

Bien trop souvent, la personne victime de mobbing doute que tout cela soit bien réel car l’entourage professionnel peut cautionner ces comportements ou, moins grave mais grave tout de même, les minimiser en répétant souvent cette phrase « je crois que tu te montes la tête tout seul, c’est juste des dérapages, n’en fais pas une montagne, tu es un peu fragile (variante : susceptible, parano,…) comme personne toi, non ? De toute façon, il (elle) est comme ça avec tout le monde ».

Sous-entendu, « autant faire avec car ça ne pourra pas changer quoi que nous entreprenions », cela s’appelle d’ailleurs s’avouer vaincu avant même d’avoir entrepris la bataille, car c’est bien de bataille dont il s’agit, du moins dans un premier temps, tant vis-à-vis de soi-même que vis-à-vis de la personne persécutrice. Cette première étape- passé la sidération de la prise de conscience de la situation- doit être destiné à opérer un STOP (verbalisé et acté) marqué du sceau SE PROTEGER…Il est primordial d’en référer à la hiérarchie (quitte à « squizzer » les strates « complices « ), aux instantes représentatives du personnel et au médecin du travail sans attendre et en prenant le risque de passer, provisoirement du moins, pour une personne « fragile ou paranoïaque »…



La troisième étape (plus exactement la deuxième en parallèle de la précédente) : ne plus jamais accepter cette situation qui provoque de nombreuses conséquences psychologiques et physiques afin de permettre un rétablissement des « fonctions normales dans une situation anormale » (et qui passera potentiellement par le fait de partir de ce lieu de travail temporairement ou définitivement) avant de pouvoir définir concrètement et la tête froide, ce qu’il est possible de faire pour soi-même et ce que l’entreprise met en place pour mettre fin à ces comportements.


La quatrième étape est celle de la reconstruction psychique permettant, de reprendre confiance en soi-même et ce pas à pas (souvent l’élément temps est un facteur déterminant et il semble bien long à la personne en souffrance), se revaloriser narcissiquement et parvenir à comprendre qu’il est indispensable de ne plus jamais accepter de pareilles situations à l’avenir car le prédateur a cette capacité à « sentir le sang » de sa victime et à s’en rapprocher pour achever le travail… Dans ce que nous constatons, le plus grand travers serait de penser qu’il ne faut en parler à personne et qu’il est possible de s’en sortir seul car, bien souvent, cela ne fait que retarder le temps de la « dé-compression » (et, donc de la guérison future) consécutive à des pressions parfois opérées durant des années. En effet, il est louable de se sentir « assez fort pour », néanmoins, à situation malsaine et destructrice, il est parfois difficile de savoir comment se défendre.

De fait, l’affirmation de soi, l’assertivité, la communication non violente, le questionnement ouvert sont autant de techniques de communication permettant une aide dans ce genre de situations; elles vont permettre à la personne victime de « mobbing » de mettre l’interlocuteur face à lui-même et de se distancier de la situation pour échafauder un plan de reconstruction.

Dans un prochain article et dans la continuité de celui-ci, nous recenserons les critères de la manipulation pouvant aller jusqu’à la perversion narcissique et, surtout, comment tenter de s’en prémunir.

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